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Interview de Bernard Thibault
- Secrétaire général de la Cgt
pour « LA VOIX DU NORD » mercredi
2 mai 2007
A
défaut d’unité, La mobilisation du 1er mai a –t- elle répondu à vos
attentes ?
Il y a eu 250 rassemblements unitaires, avec l’engagement de plusieurs
syndicats. Même si elle a fait défaut au niveau des confédérations,
je retiens cette unité et la participation supérieure aux années précédentes.
Ce n’était pas gagné d’avance dans le contexte de l’élection présidentielle.
Il était important qu’il y ait plus de monde cette année pour, en
quelque sorte, « remettre une couche » sur les revendications sociales
et rappeler les impatiences.
La CGT ne donne pas officiellement de
consigne de vote mais fait campagne contre le programme de Nicolas
Sarkozy. Ne serait-il pas plus cohérent d’afficher la couleur contre
ce candidat ?
Cela laisserait entendre que nous avons un ou une candidate. Or la
CGT en tant que syndicat ne participe pas à la compétition politique.
Ce n’est ni sa vocation ni sa mission. Pour autant nous ne sommes
pas indifférents à ce que les candidats disent. Et nous estimons qu’un
des candidats est particulièrement proche des revendications du MEDEF.
Mme Parisot ne donne pas non plus de
consigne de vote...
Elle n’en a pas besoin puisque 96% de ses sympathisants votent pour
M. Sarkozy, selon une enquête CSA à la sortie des bureaux de vote.
Le fait est que Nicolas Sarkozy reprend parfois presque mot à mot
ce qui est préconisé par le MEDEF : l’assouplissement du droit du
travail, la remise en cause des 35 heures avec le slogan trompeur
"travailler plus pour gagner plus".
On a beaucoup vu M. Sarkozy dans les
usines, comme samedi à Valenciennes. N’est-il pas devenu le candidat
de la classe ouvrière ?
M. Sarkozy fait des risettes aux ouvriers parce que chacun d’eux a
un bulletin de vote. Mais en même temps, il ne cache pas qu’il préfère
les ouvriers qui travaillent en silence et ne revendiquent pas. On
ne peut pas prétendre séduire les ouvriers et annoncer la restriction
du droit de grève, des libertés syndicales étendues par le mouvement
de 1968 qui a réuni 10 millions de grévistes.
Précisément, sur le service minimum,
y a-t-il quelque chose à négocier pour la CGT ?
Il n’est pas envisageable pour nous de restreindre davantage les conditions
d’exercice du droit de grève dans les services publics, qui, je le
rappelle, sont déjà encadrées avec un préavis imposé aux salariés.
Cette période a été instaurée pour engager des négociations. Dans
la pratique, ce délai n’est pas mis à profit pour négocier réellement.
Ce choix politique est révélateur d’une conception brutale dans l’exercice
du pouvoir si Nicolas Sarkozy accède aux responsabilités.
M. Chérèque pour la CFDT récuse l’idée d’un troisième tour social,
et vous?
Aucun des responsables syndicaux n’a parlé de « troisième tour social
». Mais nous sommes tous d’accord pour considérer qu’il n’y a aucune
raison d’opposer la démocratie politique à la démocratie sociale.
Le ou la présidente, une fois en place, devra créer les conditions
du dialogue voire de la négociation sur les réformes à mettre en œuvre.
Or, on a un responsable politique qui, à partir du moment où il est
élu, prétend imposer des mesures qui ne seront qu’accessoirement discutées
avec les organisations syndicales. Dans le passé, plusieurs gouvernements
ont appris à leurs dépens qu’ils pouvaient « se casser les dents »,
ce fut le cas de Villepin avec le Cpe.
Propos
recueillis par Hervé Favre pour « La Voix du Nord », parution jeudi
3 mai 2007.