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Interview de Bernard Thibault
- Secrétaire général de la Cgt
pour « LE PARISIEN » jeudi 3 mai 2007
Comment analysez-vous la mobilisation plutôt importante
du 1er mai ?
Le climat et la participation du 1er mai sont en adéquation avec le
climat social dans notre pays. Parallèlement au débat politique, on
assiste à une multiplication des mobilisations et des conflits dans
les entreprises. Tout cela confirme que les attentes des citoyens se
situent bien sur les questions sociales : le pouvoir d'achat, l'emploi,
la précarité, le logement, le transport, la santé... Il y a urgence
pour le futur gouvernement, quel qu'il soit, à répondre à l'insatisfaction
et à l’impatience.
Le candidat Nicolas Sarkozy l'a redit,
hier, avec force en évoquant le service minimum , ce n'est pas vous
Bernard Thibault, membre du PCF, qui tient la plume de son programme.
Que lui répondez-vous ?
J’ai remarqué, comme beaucoup d’autres, son obstination à discréditer
les opinions et l’action syndicale. Il vient même de réécrire l’histoire
dans une émission radio en affirmant que : « le mouvement ouvrier ne
s’est jamais mêlé à 1968 ». Je rappelle qu’il y avait 10 millions de
grévistes qui occupaient les usines à cette époque. Ils ont d’ailleurs
obtenu 30 % d’augmentation du salaire minimum et la reconnaissance du
syndicat dans l’entreprise.
Le futur président - ou la future présidente- n'a aucun intérêt à opposer
la démocratie sociale et la démocratie politique. Je veux dire par là
que tout gouvernement démocratiquement installé doit intégrer la nécessité
de dialogue et de négociation pour définir la nature des réformes dans
leur contenu et dans leur rythme. Plus d'un Président ou d'un Premier
ministre qui ne l'avait pas suffisamment intégré a du reculer face à
la pression sociale.
En février dernier, vous nous aviez fait une réponse
beaucoup plus dure. Que s'est-il passé ?
Je n’ai pas changé d’avis. Si Nicolas Sarkozy affirme qu'une fois élu
– ce qui n’est qu’une hypothèse - il s’estime légitime à mettre en place
toutes les réformes annoncées, quoi qu'en pensent les syndicats, il
se trompe. Il y a déjà eu des précédents, je pense à 1995 et à 2006
avec le CPE. Les syndicats revendiquent leur indépendance vis-à-vis
des pouvoirs économique et politique. Nous n’avons pas vocation à accompagner
la politique des élus, mais à défendre les intérêts des salariés en
toutes circonstances. Je note que la CGT n'est pas la seule organisation
à dire cela.
Mais en même temps, vous dites, vous aussi, pas
de troisième tour social !
L’idée de troisième tour social n’a aucune valeur syndicale. Un des
deux candidats développe un programme très proche des revendications
du Medef. S’il devait être mis en œuvre, il y aura des réactions dans
les entreprises Je constate que les syndicats ont un socle commun de
mobilisation potentielle pour ne pas laisser s'installer n'importe quelle
mesure.
Jean-Claude MAILLY de FO vous reproche
de donner des consignes en appelant à faire barrage au candidat le plus
libéral...
Je laisse à Jean-Claude MAILLY le soin de tenir sa position d’équilibriste
pour les présidentielles. J’ai entendu les responsables syndicaux exprimer
leurs mises en garde vis-à-vis de l’autoritarisme dont pourrait faire
preuve le gouvernement. C’est un scénario qui peut encore être évité.